Le Christ chez Marthe et Marie de Joseph Rougier, 1752 (Peintre de Trets)

Le tableau de la sacristie:


Extraits de l’ouvrage de Patrick Varrot, historien d’art : « Joseph Rougier et Joseph Malbert peintres bourgeois de Trets au XVIIIe »

Historique :

Tableau certainement mis en place en même temps que les boiseries de la sacristie entre 1752 et 1756. Non mentionné dans l’ouvrage de Louis Rostan en 1859, mais dans celui de 1886. A nouveau absent, en tout cas non répertorié le 22 janvier 1906 d’après l’inventaire consécutif à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (ADV, 5 V 6). Classé monument historique le 17 mars 1908.

Bibliographie :

Le nom de Rougier associé à ce tableau n’apparaît qu’en 1886, dans la troisième notice de Louis Rostan sur l’église de Saint-Maximin. Malheureusement l’auteur ne cite aucune source et le tableau ne présente aucune signature visible. La main de Joseph Rougier s’y reconnaît malgré tout et l’on peut en déduire l’existence d’un document historique confirmant sa paternité de l’oeuvre.

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Eustache Le Sueur. Le Christ chez Marthe et Marie, v e r s 1 6 4 5 – 1 6 5 0 . M u n i c h, Alte Pinakothek,

Inséré dans la boiserie de la sacristie, elle n’a guère attiré l’attention des érudits, absente des monographies de Louis Rostan de 1841, 1859, 1870, ainsi que celle d’Albanès de 1880.

Le sujet, Jésus chez Marthe et Marie de Béthanie, puise aux évangiles de Jean (11, 1-2) et de Luc (10, 38-42). L’épisode de l’accueil du Christ par celle qui deviendra la sainte patronne des hôtes et des aubergistes doit certainement être mis en relation avec la reconstruction de l’hospice du couvent royal autorisée par Louis XV en 1750

Deux ans après, les boiseries de la sacristie sont exécutées sous le priorat de Pierre-Jean Reverdin

Confiées au frère Louis Gudet, menuisier originaire de Tournus retenu au couvent de Saint-Maximin sur demande du prieur Etienne Coulondre par lettre datée du 8 février 1750, elles font partie de ces « ouvrages absolument nécessaires, savoir : le boisage de la sacristie, la charpente de l’église, les chambres des infirmeries ». Le frère Gudet ayant été peu avant réclamé par le révérend père  inquisiteur d’Avignon pour des raisons économiques, le prieur de Saint-Maximin a offert à ce dernier la somme nécessaire pour la sollicitation d’un habile menuisier d’Avignon.

La composition peinte par Joseph Rougier reprend l’oeuvre d’Eustache Le Sueur peinte vers 1645-1650 pour l’une des chapelles latérales de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois très  probablement à la demande de la famille Phélypeaux, propriétaire de la chapelle Saint-Laurent pour laquelle le peintre a réalisé un Martyre de saint Laurent, aujourd’hui dans une collection particulière de Boughton Hall en Ecosse. Cette toile avait été retirée de l’église à la suite de travaux en 1696 par les Phélypeaux, comtes de Pontchartrain, et remplacée par une copie conservée aujourd’hui à Marseille.

Le Christ chez Marthe et Marie, entré plus tard dans la collection du cardinal Fesch, connaissait déjà une certaine notoriété grâce à l’estampe que Joseph Rougier a, de toute évidence, eu en main pour concevoir son tableau. La gravure de Benoît Audran, datée de 1690 sur la planche, aurait été commercialisée dès 1686 si l’on en croit le Mercure de France qui, au mois de juin de cette année, en assure déjà la promotion. Elle demeure la source la plus probable pour les quelques autres copies répertoriées, comme celles de Jean Lebel, datée de 1764 dans l’église Sainte-Marie-Madeleine de Villefranche-sur-Cher, ou celle, anonyme, du XVIIIe siècle aussi, de la chapelle de la Trinité à l’Hôtel-Dieu d’Etampes. La copie de Montbrison (6), de la seconde moitié du XVIIe siècle, provenant de la collégiale qui conservait des reliques de sainte Marthe, aurait en revanche été peinte d’après l’original de Le Sueur agrandi deux fois.

Exécutée dans le sens de la gravure, l’oeuvre de Joseph Rougier privilégie les tonalités sourdes et les teintes terreuses pour le fonds. On y observe une certaine robustesse, notamment dans le dessin des mains, confinant parfois à la maladresse. Les grands yeux de profil, bordés de lourdes paupières inférieures, se retrouveront encore sur ses peintures plus tardives. Si le report de son modèle reste fidèle pour les groupes de figures, le décor évolue à l’arrière. Le peintre provençal abandonne en effet la planéité des parois posées à l’arrière de la scène, pour développer des effets de volume à travers la colonne de droite, une reculée en profondeur à travers les arches cantonnées de pilastres ioniques à gauche.

Cette emphase architecturale pourrait bien se mettre au compte d’une récente formation académique. La notice de Rostan livre en effet le nom d’un certain « Rougier de Marseille », qu’on imagine ici travailler d’après une gravure garnissant les portefeuilles mis à la disposition des élèves de l’école académique. A  moins qu’une estampe fournie par le couvent ne soit venue rappeler au peintre l’esprit classique d’un Le Sueur enseigné comme référence artistique dans les salles de l’arsenal ouvertes à l’apprentissage depuis 1752 précisément.